[Cet article est une reproduction de la dernière publication de Strasbourg Respire. Voir la publication originale.]
Le diesel asphyxie nos villes
Alors qu’un pic de pollution sévit en France, nous, médecins, scientifiques et associations environnementales, rappelons l’urgence d’agir. Nous précisons pourquoi l’interdiction des véhicules diesels en ville annoncée par les maires de Paris, Athènes, Madrid et Mexico va dans le bons sens. Elle doit ouvrir la voie à d’autres mesures pérennes, indispensables pour notre santé, partout en France.
Toxicité majeure du Diesel, spécialement en ville
Commençons par regarder du côté des villes qui ont appliqué des mesures antipollution incluant des contrôles drastiques des émissions diesel, où le constat est sans appel : à Tokyo, en moins de dix ans, les émissions de particules fines liées au trafic ont diminuée de 44 % et la mortalité cardiorespiratoire a diminué de 10 à 20 %[i][1].
Rappelons qu’en France, 48 000 décès prématurés sont attribuables aux particules fines chaque année, et qu’il s’agit d’une sous-estimation. Cette surmortalité est essentiellement attribuable aux particules fines à l’origine de maladies cardiovasculaires, respiratoires, métaboliques, neurodégénératives et de cancers. Ces particules sont également capables de traverser le placenta et d’avoir des effets sur le fœtus. Parmi les différentes sources de pollution, les particules émises par la combustion d’énergie fossile (trafic routier, chauffage) sont les plus toxiques. Un moteur diesel émet un grand nombre de particules, dont 90 % sous forme de particules ultrafines (nanoparticules), peu prises en compte par les systèmes de mesures et les normes en vigueur.
La toxicité des particules du diesel provient des métaux lourds et surtout des hydrocarbures aromatiques polycycliques[2] (HAP), fortement cancérigènes, qu’elles véhiculent. Les HAP sont rejetés sous forme de nanoparticules et de gaz que les filtres à particules ne peuvent retenir. Pire, les gaz pourront se condenser en particules à la sortie du pot d’échappement, sans que cela ne soit pris en compte dans les émissions particulaires par les constructeurs.
De plus, les moteurs diesel actuels sont, en ville, la source principale d’oxydes d’azote (NOx), parmi lesquels le NO2, particulièrement toxique pour les systèmes respiratoire et cardiovasculaire avec 7700 décès chaque année en France. Les NOx sont aussi à l’origine via des interactions gazeuses photochimiques, de la formation de particules fines secondaires et d’ozone. Enfin, le moteur diesel n’est pas conçu pour les trajets en ville lors desquels, ne pouvant atteindre une température optimale, il émettra davantage de polluants.
L’air n’est pas pollué qu’à Paris
En dehors des métropoles, nombreuses sont les villes françaises régulièrement exposées à une pollution trop élevée. Ces villes et leurs élus se doivent désormais de mettre en place rapidement des mesures efficaces pour lutter contre la pollution de fond.
Au-delà de la limitation du diesel en ville, il est indispensable de réduire fortement l’ensemble des émissions d’énergies fossiles, diesel comme essence, afin de relever dans un même élan les défis climatiques et sanitaires. Un plan d’accompagnement exceptionnel devrait être mis en place afin de permettre cette transition. Les aides au changement de véhicule vers un type moins polluant doivent être significativement améliorées, en ciblant les particuliers et les professionnels qui en ont véritablement besoin, et surtout en développant les modes de déplacements alternatifs comme les transports en commun, le vélo ou encore le covoiturage.
Toutes les villes peuvent et doivent agir !
Au-delà des solutions qui existent et méritent d’être développées, les villes ont un rôle à jouer dans la mise en œuvre de zones à basses émissions et de projets d’apaisement du trafic routier comme la piétonisation ou la baisse des vitesses. N’oublions pas que les décisions d’aménagement et d’infrastructures d’aujourd’hui auront aussi un impact sur la pollution de demain.
Troisième cause de mortalité en France et à l’origine de coûts socioéconomiques importants, la pollution de l’air nécessite la mobilisation de tous et doit d’être hissée au rang des priorités d’action publique.
[1] Yorifuji et al. Epidemiology. 2016 Nov;27(6):769-78
[2] Quid de l’essence ? Les moteurs essences émettent également des hydrocarbures, mais plus légers (mono aromatiques ou mono cycliques) et donc d’une toxicité inférieure aux hydrocarbures aromatiques polycycliques émis par un diesel. Les particules de freinage représentent désormais jusqu’à 30% des particules émises par le trafic routier, les derniers rapports d’experts démontrent que ces particules contiennent essentiellement voire exclusivement des métaux (cuivre..) responsables d’effets inflammatoires mais dépourvus d’hydrocarbures aromatiques cancérigènes
Isabella Annesi-Maesano, Directrice de Recherche à l’INSERM et UPMC Sorbonne Universités en épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires
Marie-Abèle Bind, biostatisticienne environnementale, Centre de recherche environnementale à l’Université d’Harvard
Thomas Bourdrel, radiologue et président-fondateur du collectif «Strasbourg respire», ayant lancé un appel signé par 120 médecins strasbourgeois
Jean Baptiste Renard, Directeur de recherche au CNRS
Pierre Souvet, Cardiologue, Président de l'Association Santé Environnement France.
Olivier Blond, Président de l’Association Respire
André Cicollela, chimiste toxicologue, Président du Réseau Environnement Santé.
Denez L’Hostis, Président de France Nature Environnement
Pierre Perbos, Président du Réseau Action Climat France
Thomas Porcher et Raphaël-Homayoun Boroumand, économistes co-auteur de l’ouvrage "20 idées reçues sur l'énergie".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire