lundi 7 novembre 2016

[Le Monde] Le diesel : mal-aimé, mais parti pour durer


Je vous reproduit ici l'article de Jean-Michel Normand paru sur le Monde le 31 octobre dernier. Je vous recommande chaudement sa lecture sur le site du Monde car il est accompagné d'autres liens pour poursuivre sur la discussion sur l'actualité du diesel en France et sur l'affaire Volkswagen.

Tout le monde médit de lui, mais ce carburant à la mauvaise réputation n’est pas près de disparaître du paysage. Le cheval blanc Hybride et la fée Electricité ont encore du chemin à parcourir avant de s’imposer. Pour le diesel, l’année  qui s’achève exhale un parfum de fin de règne. Outre les soubresauts de l’affaire Volkswagen, 2016 a vu s’accélérer la fonte de sa part dans les ventes de véhicules neufs (douze points perdus en trois ans) et ses privilèges mis à mal, avec l’abandon d’ici deux ans de l’avantage fiscal accordé aux voitures de société. Cette année aura aussi été celle de la libération de la parole anti-diesel. Dénoncé comme cancérogène à cause de ses émissions de particules et d’oxyde d’azote, celui que l’on appelait autrefois le « pétrole lourd » porte sur lui toute la pollution du monde.
Ce haro général ferait presque oublier que, pendant deux décennies, le diesel a représenté, avec l’aval des gouvernements successifs et l’adhésion des consommateurs, l’archétype de l’achat intelligent et raisonné, surtout pour ceux qui roulent beaucoup. Des voitures plus chères mais moins onéreuses à l’usage, car le gasoil consomme 15 % à 20 % de moins grâce à sa densité énergétique supérieure, ce qui lui permet de rejeter moins de CO2 que l’essence, à performances égales.

Débarrassé de ses tares d’antan (plus de préchauffage ni de montées en régime indolentes ou de trépidations déplaisantes), le diesel est, depuis 2007, majoritaire parmi les immatriculations de voitures neuves. Grâce, entre autres, à l’hérésie économique et écologique que constitue la multiplication de modèles diesel petits et moyens destinés aux particuliers. Plus dure sera la chute. Le durcissement des normes prévu d’ici à 2020 devrait renchérir de quelque 2 000 euros chaque moteur alimenté au gazole et accélérer l’érosion des ventes.
Que reste-t-il au diesel ? Interrogés sur le sujet, c’est tout juste si les communicants de PSA ne se bouchent pas le nez. « Non, on ne va pas encore parler de ça… » Désormais, tout discours rappelant que les derniers moteurs disposent d’un filtre à particules et d’un traitement efficace des oxydes d’azote est parfaitement inaudible. Le diesel est l’illustration concrète de la dégradation de la qualité de l’air en milieu urbain et le symbole de l’hypocrisie des normes d’émission, ambitieuses mais, dans les faits, respectées de très loin par les constructeurs. Et, en plus, il sent mauvais.

Une ère de transition
Si le souffre-douleur diesel a perdu la bataille de la communication, les constructeurs continuent de vendre, en France, des centaines de milliers de voitures de tourisme (sans parler des utilitaires) utilisant le carburant dont ils n’aiment pas parler, à des clients qui les réclament. Les SUV, ces modèles plus lourds que les autres et moins aérodynamiques, sont la nouvelle coqueluche des automobilistes, mais présentent un taux de diésélisation supérieur à la moyenne. Quant aux « gros rouleurs », qui avalent plus de 20 000 ou 30 000 kilomètres par an, ils n’ont objectivement pas intérêt à s’en remettre à un modèle essence, qui consommera bien davantage.
Les flottes d’entreprise, quoique incitées à changer leur fusil d’épaule, n’envisagent pas de se convertir à marche forcée. Pas question de faire plonger la valeur de revente de tous leurs véhicules diesel et de déséquilibrer le modèle économique du secteur. Bref, n’en déplaise à sa vilaine réputation, le diesel (toujours bénéficiaire d’un appréciable avantage fiscal à la pompe) n’est pas près de disparaître du paysage.
La voiture électrique, qui fait beaucoup parler d’elle mais ne pèse que 1 % des immatriculations, n’est pas encore capable de représenter une option opposable au diesel. Les motorisations hybrides, si. Toyota, qui vante leur faible coût d’entretien et les progrès intervenus en usage routier, assure désormais plus de la moitié de ses ventes dans l’Hexagone avec ce type de motorisation.

Plus de rôle dominant
Mais il est loin d’être acquis que l’hybride soit en mesure de faire, à l’avenir, disparaître toute trace de gazole. Cette technologie est encore largement minoritaire et devrait le demeurer, malgré le lancement de multiples nouveaux modèles. Son coût d’usage apparaît compétitif en ville, mais beaucoup moins sur route, et il ne bénéficiera plus, en 2017, du moindre « bonus écologique ».
De son côté, BMW, dont 80 % des immatriculations sont des diesels, affirme pouvoir gérer la transition sans trop de difficultés grâce à l’extension de sa gamme d’hybrides rechargeables, capables de parcourir une vingtaine de kilomètres en utilisant leurs seules batteries. Cependant les hybrides rechargeables ne sont rentables pour le consommateur qu’à condition de réaliser un panachage assez serré entre trajets urbains et autoroutiers, ce qui complique l’équation.
Et puis, l’horizon n’est pas complètement dégagé pour les classiques moteurs essence. Même s’ils ont réalisé de réels progrès en matière « d’efficience », les contraintes qui pèsent sur eux vont s’alourdir. Ils risquent, par exemple, de devoir bientôt se doter, eux aussi, d’un filtre à particules, afin de s’adapter à des normes toujours plus exigeantes qui pourraient bien amener les ingénieurs motoristes à augmenter la cylindrée des moteurs.
Ce faisceau de contraintes, auquel on peut ajouter les incertitudes qui entourent les gains à venir des batteries en termes d’autonomie, dessine une ère de transition où aucun carburant ni aucune technologie n’exerceront un rôle dominant. Véhicules dotés d’une motorisation électrique, essence, hybride, hybride rechargeable ou… diesel, vont se partager l’univers automobile pendant de longues années.

Encore merci à Guillaume Müller pour m'avoir fait part de cette publication !


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